La palme dort
Ombres portées, Maroc, 2010


TECHNIQUE PHOTOGRAPHIQUE


Je suis un photographe en perpétuel mouvement qui a appris l’arrêt sur image de manière instinctive. J’utilise mon appareil numérique comme un argentique, peu de déclenchements et une focale fixe. J’aime les univers monochromatiques et la sous-exposition. Le drone m’a ouvert récemment de à une nouvelle dimension.


Mouvement et point de vue

Je suis un homme en mouvement, un photographe-arpenteur. Ma technique est d’avancer, de rouler toujours, sans jamais faire marche arrière, peu importe où je vais, au hasard. Ce qui n’empêche pas les arrêts sur image : que le rapport au réel soit d’abord mis en scène, instinctivement par le choix d’une certaine distance, d’un champ de vision, d’une vitesse de regard, d’une exposition. La question du point de vue s’avère pour moi déterminante : choisir la bonne distance pour définir clairement les relations spatiales entre les différents éléments, pour préparer un jeu d’ordre formel.


Un appareil numérique utilisé comme un argentique

Je travaille avec un appareil numérique, sans recours au trépied pour gagner en spontanéité. Mes photographies n’en affichent pas moins les attributs du travail à la chambre, outil habituel du paysagiste : géométrisation affirmée, équilibre de la composition. Avec un appareil photographique réglé en mode manuel, et très peu de déclenchements, héritage de mon passé en argentique, je veux éviter la prise de vue frénétique que réclament l’époque et les technologies issues du numérique et des réseaux dits de communication. La première image est souvent la meilleure. Récemment, j’ai acquis un numérique à focale fixe, un grand angle : une machine qui me permet de renouveler mon approche photographique, pour mieux expérimenter en se limitant, en explorant l’espace en tant qu’acteur pour découvrir de nouveaux angles.


Une approche monochromatique, la sous-exposition

Dans mon désir de concentrer l’expression visuelle autour d’une seule idée, je préfère la photographie couleur au traditionnel noir et blanc. Travailler la couleur pour sa puissance créatrice : la couleur ne se réduit pas à elle-même, elle agit. Me laisser porter par mes impressions chromatiques. La couleur est en effet plus proche de la réalité sensible, elle stimule mieux que ne le ferait le noir et blanc, avec la difficulté qu’elle amène au regard une quantité d'informations susceptibles de disperser l’attention. D'où l'idée de travailler avec un nombre limité de plans colorés monochromes pour dramatiser et concentrer, pour dévoiler des dynamiques visuelles, pour décaler le regard. Je me consacre au croisement d’univers monochromes, dans la tradition de l’abstraction. J’aime faire vibrer la lumière en expérimentant des aplats de couleur, notamment par des oppositions harmonieuses de couleurs vives, dans une recherche d’équilibre avec l’épure du trait. J’inscris mon travail dans un principe esthétique n’utilisant souvent que des lignes horizontales ou verticales, des couleurs pures et un certain équilibre dans la composition.
Le noir est important dans mon travail. J’aime ouvrir ma palette à cette obscurité profonde, la sous-exposition me permet d'éviter la sensiblerie.


La palme dort
Danse de la dune et du palmier, Algérie, 2012

Des paysages (sur)volés

Vue du champ de l’Urbanisme, l’écriture photographique du paysage a traversé récemment trois périodes successives. La première période, datant des Trente Glorieuses, mettait en exergue la vision en hélicoptère. A l’époque, on pensait l’aménagement en prenant de la hauteur, au sens propre comme au sens figuré. On regardait la France d’en haut pour mieux apprécier sa géographie. La seconde période, au début des années 80, a vu une rupture rédemptrice avec la création de la Mission photographique de la DATAR. Le paysage contemporain y est réinventé et représenté à partir des photographies « piétonnes ». Les commanditaires du projet insistaient pour que les photographes produisent des images « à hauteur d’homme » ; la photographie aérienne est formellement prohibée. La troisième période très récente a vu l’avènement et la généralisation (sinon une prégnance trop importante) du drone. On reprend avec le drone de la hauteur, pour trouver dans le paysage une poétique de la forme.
Le drone m’a permis de changer de point de vue, en faisant apparaître de haut, des éléments que nous ne saurions voir au quotidien, ou au ras du sol : voir le monde autrement, permettre ainsi à chacun de regarder à nouveau ce qu’il croit connaître, affirmer que c’est le point de vue qui forge nos opinions. Mes photographies résultent ainsi non plus de la reconnaissance de formes, mais de l’élaboration d’un point de vue fondé sur la relation personnelle établie entre le territoire et moi. Au drone, les paysages survolés oscillent entre le réel reconnaissable et l’abstrait, notamment en plongée à 90° (bird’s eye). Les photographies abstraites ainsi créées offrent une perspective extraordinaire, en faisant perdre au spectateur tout repère. C’est exactement ce qui m’attire avec le drone : se balancer entre réalité et abstraction. En évitant délibérément l’horizon et en photographiant verticalement, je renforce le sentiment de désorientation, je crée des photos aériennes oniriques.